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Mon cottage dans les nuages
12 janvier 2021

Journal de bord d'hiver : Lucy Snowe

C'est ainsi que se prénome l'héroine qui m'a transporté pendant plusieurs semaines. Je sors à peine du roman Villette de Charlotte Brontë et le moins que je puisse dire c'est que roman m'a particulièrement touché et émue. Mais avant de vous confier les émois dans lesquels ce roman m'a plongé , je me dois de vous faire un bref résumé de l'histoire :

ambiance d'automne 9

Lucy Snowe est une jeune anglaise d'origine modeste . Sa situation familiale est peu évoquée mais nous comprenons qu'elle n'est pas simple et qu'elle se retrouve dans sa vie d'adulte sans aucune attache. Dans ces jeunes années elle jouissait de séjours chez sa marraine , Madame Bretton et son fils Graham. Deux personnalités que Lucy snowe appréciait particulièrement et puis , pour des raisons non détaillées , elle ne les a plus revu pendant de nombreuses années. 

Jeune adulte  esseulée, Lucy Snowe se met au service d'une femme malade et impotente pour avoir de quoi vivre...Puis cette femme décède de sa maladie , laissant notre jeune anglaise plus perdue que jamais. Tentant le tout pour le tout , elle voyage jusqu'a Londre pour tenter sa chance. De Londre elle décide de traverser la manche pour gagner le vieux continent. Et c'est ainsi qu'elle amarre à Villette , au royaume de Labassecour. Terre inconnue, langue inconnue...courage ou inconscience? Ce qui est certain c'est qu'elle n'avait plus rien à perdre ou si peu. Lorsqu'elle arrive à Villette il fait nuit et le temps est affreux. Une belle âme l'oriente vers un pensionnat de jeune fille tenu par Madame Beck . Ne parlant pas un mot de francais, Lucy Snowe sera dans un premier temps engagé comme bonne pour les enfants de la directrice. Puis , voyant le potentiel de la jeune anglaise , Madame Beck lui propose un poste d'institutrice au pensionnat. Lucy snowe va rencontrer des personnages hauts en couleurs , des pensionnaires aux professeurs et surtout, par le plus incroyable des hasards , renouer avec sa marraine , Madame Bretton et son fils Graham , devenu le Docteur John....Mais il y'a aussi ce professeur , Monsieur Emmanuel , un personnage passionné et fougueux , que j'ai trouvé pour ma part , quelque peu tyrannique...

journal d'hiver 3

 Ce roman c'est de la littérature classique.Et ce genre de roman se lit comme une bougie qui se consume tranquillement.

Si vous cherchez une lecture immersive, cadencée par mille et une péripétie : passez votre chemin. Ici il est question de sentiments, d'introspection , de contemplation.

Il est question du genre humain , de sa profondeur, de sa superficialité , de ses affres, de ses moeurs , de ses croyances, de sa bienséance...

C'est un roman de sentiments. Charlotte Brontë fait de Lucy Snowe son avatar littéraire et le parallèle entre la vie de l'héroine et celle de l'autrice est saisaissant . Nous savons que Charlotte Brontë s'est éxilée un temps en Belgique et qu'elle a fait une importante dépression. Une dépression qu'elle fait vivre à son héroine et qu'elle raconte avec une telle profondeur , que seule une personne ayant vécu telle douleur peut exprimer avec autant de vérité et d'intensité cet état de perdition intérieur , cette mer instable et agitée qui vous submerge et vous laisse vide et hagard. J'en ai été plus qu'émue. Charlotte  à ce regard sur la vie à travers ses personnages qui ne laissent aucune place à la superficialité. Et j'ai trouvé cela si bon et si réconfortant de me plonger dans les écrits d'une âme authentique qui parle de sentiments. Savons-nous encore ce que sont les sentiments dans notre monde moderne et ultra connecté? Non , je ne pense pas . Nous confondons émotions et sentiments. Nous nous perdons dans cet air du "clic" et  du "like", nous parlons à tord et à travers de tout et n'importe quoi sans prendre le temps de comprendre , d'observer et de nous faire notre propre opinion. Parcequ'une opinion cela prend du temps. C'est une enquête avec plusieurs éléments intérieurs et extérieurs qui nous font rendre notre expertise personnelle sur tel ou tel sujet. Aujourd'hui nous ne sommes que des petits égos bipèdes menés par nos tempêtes émotionnelles , sans aucun ancrage , et particulièrement influençables. Aussi , ce roman , m'a fait prendre conscience à quel point le sentiment est important. Il est celui qui nous permet de rester ancrer dans notre amour , dans notre tendresse, dans nos goûts, dans nos relations , dans notre rapport à nous même et aux autres tout en laissant nos émotions nous conter fleurette ou nous faire broyer du noir. On peut ainsi exprimer notre mécontentement ,  notre colère ,  notre lassitude mais sans pour autant remettre en question nos sentiments.

Villette est un roman qui parle du genre humain et je crois que , peu importe le temps qui passe , le genre humain évolue peu et est confronté depuis la nuit des temps au même  problème : le pouvoir. Il fût un temps où le pouvoir était une question de caste, de statut dans la société. Aujourd'hui il se trouve dans la starification de sa propre personne et tout le despotisme qui en résulte. L'amitié , telle que décrite par Charlotte Brontê , cet intérêt profond pour l'autre de manière tout à fait désintéréssée m'a laissé perplexe. Nous avons certe gagné en liberté mais nous avons tant perdu de notre authenticité. Aujourd'hui dans nos vies nous comptons plus de relations que d'amitiés sincères et profondes parce que tout doit  servir nos intérêts professionnels ou personnels.

Ce roman c'est un examen de conscience. J'ai aimé l'expression de Charlotte à travers son héroine au sujet de la religion et je l'ai trouvé incroyablement libre , moderne et bien plus spirituelle que religieuse. Là où un prêtre tentait de la corrompre pour qu'elle rejoigne les bancs de l'église catholique, elle répondait avec profondeur, franchise et une certaine pointe d'humour. Les personnages sont râcés , prodigieux dans leurs fêlures. Charlotte à ce don incroyable des les rendre beaux , forts , puissants. Il y'a aussi des scènes pleines d'humour comme celle durant laquelle elle se retouve au musée , devant le tableau de Cléopâtre ( certainement de Rubens) et qu'elle décrit avec une appréciation particulièrement enfantine et décalée " Il représentait une femme  , beaucoup plus grande que nature, à mon avis: j'avais calculé que cette femme,posée sur une bascule appropriée à ses dimensions gigantesques la ferait certainement pencher à cent kilos au moins. Vraiment , elle était très bien nourrie , elle devait avoir consommer pas mal de viande de boucherie-sans parler du pain , des légumes et du poisson-pour atteindre à un format pareil, à cette taille, cette carrure, ces muscles, cette abondance de chairs.Elle était à moitié étendue sur un canapé: pourquoi? Raison difficile à deviner car il faisait jour, elle paraissait être en excellente santé et de force à abattre la besogne de deux bonnes cuisinières, elle ne pouvait certe pas prétexer qu'elle souffrait de la colonne vertébrale...et elle aurait dû être debout , ou tout au moins assise!Pourquoi donc gaspiller ainsi les plus belles heures de la journée , à demi étendue sur  un canapé?Quant à sa toilette , elle aurait dû être habillée mieux que cela, porter au moins une robe qui la recouvrit entièrement-ce qui n'était pas le cas car avec des yards et des yards de tissu elle parvenait à peine à voiler sa nudité. De plus il n'y avait pas d'excuses pour le désordre qui régnait autour d'elle : des pots et des casseroles -peut-être devrais-je dire des vases et des gobelets-roulaient en tout sens à l'avant-plan, au milieu d'un véritable déluge de fleurs, et un amas confus de rideaux en tapisserie jonchaient le canapé et encombraient le sol.".....C'est qu'elle est pragmatique cette chère Lucy Snowe! C'est de loin la critique d'art la plus drôle que j'ai lu!

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Ce roman c'est aussi l'ode à la délicatesse , à la pudeur , au precieux des choses . Au précieux d'une correspondance par exemple , de ces lettres qu'on attend avec une sage impatience et qu'on garde précieusement dans un joli ruban sous l'oreiller ou dans un cabinet secret...Des madeleines de Proust à savourer, à adorer , à chérir. 

Et bien , ami lecteur , j'ai exprimé bien des choses sur ce roman et je pourrai encore le faire...Ce roman j'ai pris beaucoup de temps à le lire car il n'était pas question que je lise en étant fatiguée ou distraite. Je me suis donc choisi des moments de parfaite disponibilité. En effet, pourquoi devrais-je me dépêcher de lire un livre ? Faisons l'éloge de la lenteur dans nos vies , impregnons-nous de ces moments d'évasion pour nourrir non pas notre intellect mais notre âme car , qui sait ce que nous emporterons avec nous lorsque nous quitterons ce monde pour regagner les cieux?

A bientôt....

Commentaires
E
J’en suis ravie , ce roman est vraiment une pépite de la littérature anglaise<br /> <br /> Merci de te passage par ici et belle et douce journée ❤️
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C
tu me donnes envie de le lire!
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